Louise Desrenards on Sun, 13 Nov 2016 21:35:13 +0100 (CET)


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[Nettime-fr] Le soir du 13 novembre 2016


Réouverture du Bataclan

le 12 novembre 2016


... Plutôt Sting qu'un autre pour aimer vivre au Bataclan... C'est une
idée. Pourtant je suis triste ce soir, ma rue est bouclée, on me
demande mes papiers pour aller chercher le pain puis pour rentrer chez
moi, cela me rappelle de mauvais souvenirs, le souvenir des
lendemains. Quand le sang séché sur le bitume donnait à la chaussée
l'aspect d'avoir été laquée de noir brillant dans le jour gris, et la
nuit sous l'éclairage public comme s'il avait plu. Mais c'était la
trace des coulées de sang dont la rue ne fut éclaircie que longtemps
après. Les lendemains craints peu rassurés où l'on apportait du café
chaud à la police de quartier gelée dans sa camionnette stationnant
devant la porte...
Pourquoi ce soir là, cela fera un an demain, n'y avait-il pas de
protection d'une salle de concert déjà ciblée et à plusieurs reprises
de mémoire publique par divers mots d'ordre tombés dans les oubliettes
de la DGSE, mais si peu de temps après la fusillade qui venait de
balayer Wolinski, Cabu... dans le même quartier ?
Puis une armée de robocops surgissant en nombre à l'extérieur, pour
empêcher les secours d'accéder à ceux tombés qui avaient réussi à
sortir, et qui par terre saignaient saignaient saignaient, jusqu'à en
mourir au long de deux heures.
Pourquoi ?
A ce gouvernement et à ce Président jamais je ne pardonnerai.

Ce soir je commence à ne penser qu'à tous ceux qui sont morts le 13
novembre là, là, là, et là, je ne parle même pas des morts
immédiatement déchirés par les balles mais de ceux quand il fut trop
tard.
Je revois les photos portraits étirées au pochoir sur de larges
papiers de soie blancs comme des voiles collés sur les murs le
lendemain, les bougies allumées éparses dans ma rue, qui n'était pas
le front du sanctuaire principalement tenu devant le music-hall et
place de la République, on ne sait pourquoi, mais ici qui traçaient
les chutes de ceux morts dans leur fuite, et ...
Tant de visages ripés sur des affiches numérotées à tous les endroits
martyrs de la ville, et celle du garçon portant des lunettes qui était
vraiment mort là contre notre mur aveugle, la moitié du visage allongé
jusqu'à sa métamorphose en lignes parallèles retournées sur le mur
d'angle.
Je veux bien comprendre la réouverture du Bataclan, elle est même
nécessaire. Mais toutes sortes de festivités autour appelées
cérémonies m'attristent encore davantage. Au fond le concert la veille
aurait suffi. Et demain : silence.

Merci Sting et aussi pour le cachet de la soirée à guichets fermés
donné aux associations des familles endeuillées, si j'ai bien compris.
Peut-être que ce qui est exposé par ailleurs créé à l'occasion (j'ai
bien dit "l'occasion") sera également vendu au profit des familles et
des proches des victimes, des sacrifiés et partout ailleurs dans
Paris, ce soir là, alors que les véhicules des tueurs purent dévaler
tranquillement les avenues et les rues du quartier, d'un lieu de
meurtre public à l'autre, sans être inquiétés...
Je ne peux pas imaginer qu'il en soit autrement.

Mais tout cela n'est qu'un spectacle de plus à l'image du staff de la
ville de Paris indigne face aux migrants réfugiés ces dernières
semaines, et de sa conception de l'art : de l'animation urbaine et des
visiteurs et tout ce qui peut-être mis à la place du rien pour faire
croire qu'une ville tuée est toujours vivante.

L.D.

https://www.facebook.com/louise.desrenards/posts/10154737118583928


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Lola Ouzounian

AYF Nor Seround grand Lyon - ՀՅԴ Նոր Սերունդ Լիոն
Like This Page · 27 November 2015


Ma fille est morte au Bataclan le 13 Novembre, elle avait 17 ans (Lola
Ouzounian).

Je n'irai pas à l'hommage qui sera rendu aux victimes à 10h30 aux
Invalides parce que je considère que l'État et ses derniers dirigeants
en date portent une lourde responsabilité dans ce qui s'est passé.

Une politique désastreuse a été menée par la France au Moyen-Orient
depuis plusieurs années. Nicolas Sarkozy a largement contribué à la
chute du régime de Khadafi en envoyant l'armée française combattre en
Libye, en violation des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU
qui interdisaient toute intervention au sol. Or, plusieurs sources
affirmaient à l'époque que les Forces Spéciales étaient « en
apesanteur » et avaient œuvré sur le terrain. La Libye n'était pas
ennemie de la France, Nicolas Sarkozy avait reçu Khadafi avec les
honneurs d'un chef d'État, et ce pays est devenu depuis un cauchemar
chaotique où circulent librement armes et combattants.

François Hollande et Laurent Fabius se sont ensuite acharnés contre
Bachar El Assad, poussant inlassablement les puissances occidentales à
intervenir militairement pour renverser le régime syrien, alors que
celui ci n'était pas l'ennemi de la France. Les frappes prévues furent
annulées in extremis lorsque Barack Obama refusa d'engager les
États-Unis dans cette aventure.

Cette ingérence de la France dans les affaires intérieures de pays
souverains a été menée avec l'argument selon lequel les dirigeants
syriens et libyens massacraient leur peuple. Certes. Comme Saddam
Hussein et Muammar Khadafi, Bachar el Assad est un dictateur sinistre
de la pire espèce. Mais il n'est pas plus exécrable que ceux
actuellement au pouvoir au Qatar et en Arabie Saoudite, avec lesquels
la France entretient d'excellentes relations diplomatiques et
commerciales, et qui ont financé Daesh.

Cette érosion de la compétence politique est dramatique pour notre
pays. Les derniers présidents ont agi avec une légèreté inconcevable,
portés par des vues à court terme. Mais cet aspect n'est pas le seul
en matière de responsabilité du monde politique.

Depuis plusieurs décennies, la République a laissé se développer des
zones de désespoir, que le philosophe Jean-Paul Dollé nommait avec la
justesse qui le caractérisait: "Le territoire du rien". Un urbanisme
inhumain, sans lieux de loisirs, de culture, sans écoles dotées de
moyens à la hauteur de l'enjeu, au sein duquel aucun sentiment
humaniste et citoyen ne peut éclore. "Cités Dortoirs", "Quartiers
sensibles", les termes ont évolué mais le problème demeure et le
personnel politique l'a toujours traité avec indifférence. Raymond
Barre promit "d'enrayer la dégradation physique et sociale des grands
ensembles". Bernard Tapie fut ministre de la ville, Nicolas Sarkozy
annonça un plan Marshall des banlieues et nomma Fadela Amara
Secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Patrick Kanner
l'est aujourd'hui et perpétue quarante ans d'échec.

Le divorce entre les français et leurs dirigeants est accompli, le
contrat social est rompu, le gouffre entre le peuple et les élites est
béant. Les atteintes importantes aux libertés publiques, votées avec
empressement par l'Assemblée Nationale, ne régleront rien. L'extrême
droite pourra toujours surenchérir et les assassins franchir les
frontières.

La France est incapable de proposer un avenir à sa jeunesse, l'Europe
est incapable de dépasser son actuel enlisement dans le libéralisme.
Nos élus sont incapables de proposer une vision politique. Nos
intellectuels, à de rares exceptions près, sont incapables de sortir
de leur lucratif état d'histrions médiatiques. Je suis atterré par mon
pays dévasté et je suis dévasté par la mort de ma fille.

Eric Ouzounian.

https://www.facebook.com/ayfnorseroundlyon/posts/1072652352832063





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