Louise Desrenards on Wed, 1 Jul 2015 14:52:14 +0200 (CEST)


[Date Prev] [Date Next] [Thread Prev] [Thread Next] [Date Index] [Thread Index]

[Nettime-fr] GrÃce : pour le vote "Non". Deux Nobel d'Ãconomie libÃraux dÃmocrates dÃsignent clairement la mauvaise politique


Stiglitz + Krugman à propos de la GrÃce / Ce n'est pas tant un
problÃme d'argent qu'un problÃme de pouvoir et de dÃmocratie... Les
traductions rapides ci-dessous :

- - - - - -

>>>> Joseph Stiglitz : comment je pourrais voter lors du rÃfÃrendum grec / 29 Juin 2015 <<<<<

"Aucune des deux solutions -- l'approbation ou le rejet du mandat de
la troÃka -- ne sera facile, et à la fois amÃnera des risques
Ãnormes."


Aux yeux des Ãtrangers le soulÃvement en crescendo de querelles et
l'acrimonie au sein de l'Europe peuvent sembler le rÃsultat inÃvitable
de la finale amÃre qui se joue entre la GrÃce et ses crÃanciers. En
fait, les dirigeants europÃens commencent enfin à rÃvÃler la vraie
nature du diffÃrend sur la dette en cours, et la rÃponse n'est pas
agrÃable : il est question de pouvoir et de dÃmocratie beaucoup plus
que d'argent et d'Ãconomie.

Bien sÃr, l'Ãconomie derriÃre le programme que la  TroÃka  (la
Commission europÃenne, la Banque centrale europÃenne et le Fonds
monÃtaire international) a imposà à la GrÃce il y a cinq ans a ÃtÃ
catastrophique, entraÃnant une baisse de 25% du PIB du pays. Je ne
peux penser à aucune dÃpression, qui fÃt jamais aussi dÃlibÃrÃe et eut
des consÃquences aussi catastrophiques : le taux de chÃmage des jeunes
en GrÃce, par exemple, dÃpasse maintenant 60%.

Il est surprenant que la TroÃka ait refusà d'accepter la
responsabilità de tout cela ou d'admettre à quel point ses prÃvisions
et ses modÃles furent mauvais. Mais ce qui est encore plus surprenant
c'est que les dirigeants europÃens ne l'aient mÃme pas appris. La
TroÃka exige toujours que la GrÃce atteigne un excÃdent budgÃtaire
primaire (hors paiements d'intÃrÃts) de 3,5% du PIB en 2018.

Les Ãconomistes du monde entier ont condamnà cet objectif punitif,
parce qu'il destine inÃvitablement à entraÃner une rÃcession plus
profonde. En effet, mÃme si la dette de la GrÃce se restructurait
au-delà de tout ce qu'on puisse imaginer, le pays, s'il y avait des
Ãlecteurs pour engager au referendum sous pression qui se tiendra ce
week-end l'objectif de la troÃka, resterait dans la dÃpression.

En fait de transformer un grand dÃficit primaire en excÃdent, peu de
pays ont accompli quelque chose comme ce que les Grecs ont rÃalisà au
cours des cinq derniÃres annÃes. Et, si le coÃt en termes de
souffrance humaine a Ãtà extrÃmement ÃlevÃ, les rÃcentes propositions
du gouvernement grec ont fait un long chemin vers la satisfaction des
demandes de ses crÃanciers.

Nous devons Ãtre clairs : presque aucun argent de l'Ãnorme quantitÃ
prÃtÃe à la GrÃce ne lui est en rÃalità parvenu. Il a servi à payer
des crÃanciers du secteur privà -- y compris les banques allemandes et
franÃaises. La GrÃce a obtenu une faible pitance, par contre elle a
payà un prix Ãlevà pour prÃserver les systÃmes bancaires de ces pays.
Le FMI et les autres crÃanciers "officiels" n'ont pas besoin de
l'argent qui est exigÃ. Probablement, dans le scÃnario de statu quo,
l'argent reÃu serait juste prÃtà de nouveau à la GrÃce.

Mais, encore une fois, il ne s'agit pas de l'argent. Il s'agit
d'"utiliser" des "ÃchÃances" pour forcer la GrÃce à se soumettre et Ã
accepter l'inacceptable -- non seulement des mesures d'austÃritÃ, mais
d'autres politiques rÃgressives et punitives.

Mais pourquoi l'Europe ferait-elle cela ? Pourquoi les dirigeants de
l'Union europÃenne rÃsistent-ils au rÃfÃrendum et refusent-ils jusqu'Ã
prolonger de quelques jours la date limite du Juin 30 pour le prochain
paiement de la GrÃce au FMI ? L'Europe ne serait-elle pas tout en
matiÃre de dÃmocratie?

En Janvier, les citoyens de la GrÃce ont votà pour un gouvernement
engagà à mettre fin à l'austÃritÃ. Si le gouvernement avait simplement
rempli ses promesses de campagne, il aurait dÃjà rejetà la proposition
ultimatum. Mais il a voulu donner une chance aux Grecs de compter dans
cette question si critique pour le bien-Ãtre futur de leur pays.

Ce souci de lÃgitimità populaire est incompatible avec la politique de
la zone euro, qui n'a jamais Ãtà un projet tout à fait dÃmocratique.
La plupart des gouvernements des Etats membres n'ont pas cherchÃ
l'approbation de leur peuple pour remettre leur souverainetà monÃtaire
à la BCE. Lorsque la SuÃde l'a demandÃe, les SuÃdois ont dit non. Ils
ont compris que le chÃmage augmenterait si la politique monÃtaire du
pays Ãtait fixÃe par une banque centrale rÃsolument focalisÃe sur
l'inflation (et aussi qu'il y aurait une attention insuffisante à la
stabilità financiÃre). L'Ãconomie allait pÃtir, parce que le modÃle
Ãconomique sous-jacent de la zone euro avait Ãtà fondà sur des
relations de pouvoir qui dÃsavantageaient les travailleurs.

Et, bien sÃr, ce que nous voyons maintenant, 16 ans aprÃs que la zone
euro ait institutionnalisà ces relations, est l'antithÃse de la
dÃmocratie : de nombreux dirigeants europÃens veulent voir la fin du
gouvernement de gauche du Premier ministre Alexis Tsipras. AprÃs tout,
il est extrÃmement gÃnant d'avoir en GrÃce un gouvernement qui soit
tellement opposà aux types de politiques qui ont tant fait pour
accroÃtre les inÃgalitÃs dans de nombreux pays avancÃs, et qui soit si
attachà à la lutte contre la puissance dÃbridÃe de la richesse. Ils
semblent croire qu'ils peuvent Ãventuellement faire tomber le
gouvernement grec par l'intimidation en lui faisant accepter un accord
qui contrevienne à son mandat.

Il est difficile de conseiller aux Grecs comment voter le 5 Juillet.
Aucune des deux solutions -- l'approbation ou le rejet du mandat de la
TroÃka -- ne sera facile, et chacune des deux comprend des risques
Ãnormes. Un vote "oui" signifierait la dÃpression presque sans fin.
Peut-Ãtre qu'un pays appauvri -- celui qui a vendu la totalità de ses
actifs, et dont la jeunesse brillante a Ãmigrà -- pourrait enfin Ãtre
quitte de la dette ; peut-Ãtre qu'une GrÃce ratatinÃe dans une
Ãconomie à revenu intermÃdiaire pourrait finalement Ãtre en mesure
d'obtenir l'assistance de la Banque mondiale. Tout cela pourrait se
produire dans la prochaine dÃcennie, ou peut-Ãtre dans la dÃcennie
aprÃs.

En revanche, un vote "non" pourrait au moins ouvrir la possibilità que
la GrÃce, avec sa forte tradition dÃmocratique, puisse saisir dans ses
propres mains son destin. Les Grecs pourraient avoir la possibilità de
faÃonner un avenir, mÃme s'il n'Ãtait peut-Ãtre pas aussi prospÃre que
dans le passÃ, qui soit beaucoup plus optimiste que la torture
inadmissible du prÃsent.

Je sais comment je voterais.


Joseph E. Stiglitz, prix Nobel d'Ãconomie, est professeur des
universitÃs à l'Università de Columbia. Son plus rÃcent ouvrage,
co-Ãcrit avec Bruce Greenwald, est "Creating a Learning Society: A New
Approach to Growth, Development, and Social Progress.".
Version originale Copyright: Project Syndicate, 2015. "


Joseph Stiglitz: how I would vote in the Greek referendum
Neither alternative â approval or rejection of the troikaâs terms â
will be easy, and both carry huge risks
theguardian.com|By Joseph Stiglitz
http://www.theguardian.com/business/2015/jun/29/joseph-stiglitz-how-i-would-vote-in-the-greek-referendum

-------


>>>>> Paul Krugman : La GrÃce au bord du gouffre / 29 juin 2015 <<<<<


"Il est Ãvident depuis un certain temps que la crÃation de l'euro fut
une terrible erreur. L'Europe n'a jamais eu les conditions prÃalables
au succÃs d'une monnaie unique -- par-dessus tout, le genre d'union
fiscale et bancaire qui assure, par exemple, que lorsqu'une bulle
immobiliÃre Ãclate en Floride, Washington protÃge automatiquement les
personnes ÃgÃes contre toute atteinte à leurs soins mÃdicaux ou de
leur banque de dÃpÃts."


Quitter l'union monÃtaire est toutefois une dÃcision beaucoup plus
difficile et effrayante que d'avoir jamais commencà à y entrer, et
jusqu'à prÃsent, mÃme la plupart des Ãconomies en difficultà du
continent ont à plusieurs reprises reculÃ, au bord du gouffre. Encore
et encore, les gouvernements ont Ãtà soumis aux exigences des
crÃanciers pour l'austÃrità sÃvÃre, tandis que la Banque Centrale
EuropÃenne a gÃrà de contenir la panique du marchÃ.

Mais la situation en GrÃce a maintenant atteint ce qui ressemble à un
point de non-retour. Les banques sont temporairement fermÃes et le
gouvernement a imposà le contrÃle des capitaux -- des limites sur les
mouvements de fonds hors du pays. Il semble trÃs probable que le
gouvernement doive bientÃt commencer à payer les pensions et les
salaires en titres provisoires, par l'effet de crÃer une monnaie
parallÃle. Et la semaine prochaine le pays va organiser un rÃfÃrendum
sur l'opportunità d'accepter les exigences de la  TroÃka  -- les
institutions reprÃsentant les intÃrÃts des crÃanciers -- pour encore
plus d'austÃritÃ.

La GrÃce devrait voter  non Â, et le gouvernement grec devrait Ãtre
prÃt, si nÃcessaire, Ã quitter l'euro.

Pour comprendre pourquoi je dis cela, il faut comprendre que la
plupart -- pas tout, mais la plupart -- de ce que vous avez entendu
dire sur la dÃbauche et l'irresponsabilità grecques est faux. Oui, le
gouvernement grec a dÃpensà au-delà de ses moyens à la fin de la
premiÃre dÃcennie des annÃes 2000. Mais depuis lors, il a maintes fois
rÃduit les dÃpenses et a levà des impÃts. L'emploi par le
gouvernement a chutà de plus de 25 pour cent, et les pensions (qui
Ãtaient en effet beaucoup trop gÃnÃreuses) ont Ãtà fortement coupÃes.
Si vous additionnez toutes les mesures d'austÃritÃ, elles ont Ãtà plus
que suffisantes pour Ãliminer le dÃficit d'origine et le transformer
en un excÃdent important.

Alors pourquoi ne pas y arriver ? Parce que l'Ãconomie grecque s'est
effondrÃe, en grande partie en raison de ces mesures de grande
austÃritÃ, entraÃnant avec elle des revenus en baisse.

Et cet effondrement à un certain moment eut beaucoup à voir avec
l'euro, qui a piÃgà la GrÃce dans un carcan Ãconomique. Les cas de
succÃs de l'austÃritÃ, dans lequel les pays maÃtrisent les dÃficits
sans les reporter en dÃpression, impliquent gÃnÃralement de grandes
dÃvaluations monÃtaires qui rendent les exportations plus
compÃtitives. C'est par exemple ce qui est arrivà au Canada dans les
annÃes 1990, et plus rÃcemment dans une mesure consÃquente, ce qui est
arrivà en Islande. Seulement la GrÃce, sans sa propre monnaie, n'a pas
eu cette option.

Ainsi ai-je simplement proposà le "Grexit" -- sortir la GrÃce de
l'euro ? Pas nÃcessairement. Le problÃme pour la GrÃce avec la sortie
de l'euro a toujours Ãtà le risque du chaos financier, d'un systÃme
bancaire perturbà par des retraits dus à la panique et des affaires
entravÃes à la fois par les problÃmes des banques et par l'incertitude
sur le statut juridique des dettes. Voilà pourquoi les gouvernements
grecs successifs ont adhÃrà aux demandes d'austÃritÃ, et pourquoi mÃme
Syriza, la coalition de gauche au pouvoir, Ãtait disposÃe à accepter
les mesures d'austÃrità qui avaient dÃjà Ãtà imposÃes. Tout ce qu'elle
demandait en effet Ãtait un arrÃt de la poursuite de l'austÃritÃ.

Mais la TroÃka n'a rien à faire de tout cela. Il serait facile de se
perdre dans les dÃtails, nÃanmoins le point essentiel est maintenant
qu'il ait Ãtà prÃsentà à la GrÃce une offre "à prendre ou à laisser",
qu'il est effectivement impossible de distinguer par rapport aux
offres de la  politique des cinq derniÃres annÃes.

Ceci est, et sans doute Ãtait destinà à Ãtre, une offre que le Premier
ministre grec, Alexis Tsipras, ne puisse  accepter, parce que ce
serait dÃtruire sa raison d'Ãtre politique. L'objectif doit donc Ãtre
de le chasser de l'office, ce qui se produirait probablement si les
Ãlecteurs grecs craignaient assez la confrontation avec la TroÃka pour
voter "oui" la semaine prochaine.

Mais ils ne devraient pas le faire, et pour trois raisons. Tout
d'abord, nous savons maintenant que l'austÃrità toujours plus sÃvÃre
est une impasse : aprÃs cinq annÃes, la GrÃce se retrouve dans un Ãtat
pire que jamais. DeuxiÃmement, beaucoup et la plupart du chaos Ã
craindre dans la Grexit est dÃjà arrivÃ. Avec les banques fermÃes et
les contrÃles de capitaux imposÃs, il n'y a pas que beaucoup plus de
dÃgÃts à faire.

Enfin, l'adhÃsion à l'ultimatum de la TroÃka reprÃsenterait l'abandon
dÃfinitif de toute revendication pour l'indÃpendance grecque. Ne soyez
pas convaincus par les revendications selon lesquelles les
responsables de la TroÃka seraient seulement des technocrates
expliquant aux Grecs ignorants ce qui doit Ãtre fait. Ces supposÃs
technocrates sont en fait les fantaisistes qui ont mÃconnu tout ce que
nous savons sur la macro-Ãconomie, et ont eu tort à chaque Ãtape du
chemin. Il ne s'agit pas de l'analyse, il est question de pouvoir --
le pouvoir des crÃanciers de retirer les plombs de l'Ãconomie grecque,
qui persiste tant que la sortie de l'euro est considÃrÃe comme
impensable.

Donc, il est temps de mettre un terme à cet impensable. Sinon la GrÃce
fera face à l'austÃrità sans fin, et à une dÃpression sans soupÃon de
fin.


Greece Over the Brink
Ever-harsher austerity has been a dead end, and those who demand more
of it have been wrong every step of the way.
nytimes.com|By Paul Krugman
http://www.nytimes.com/2015/06/29/opinion/paul-krugman-greece-over-the-brink.html

-- 




-----
_______________________________________________
Nettime-fr mailing list
http://www.nettime.org/cgi-bin/mailman/listinfo/nettime-fr