Louise Desrenards on Wed, 23 Jan 2013 08:00:43 +0100 (CET)


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Actualité du Maître et Marguerite et de Mikhaïl Boulgakov
en janvier 2013 à Paris Version imprimable de cet article Version imprimable

http://www.larevuedesressources.org/actualite-du-maitre-et-marguerite-et-de-mikhail-boulgakov-en-janvier-2013-a-paris,2478.html


Sur la présentation par Hélène Châtelain du premier épisode dans La RdR :

Le Maître et Marguerite (1) - Rencontre avec Satan.
http://www.larevuedesressources.org/le-maitre-et-marguerite-1-rencontre-avec-satan,2463.html



À la double Marguerite, compagne du Docteur Boulgakov
ou sorcière, que le temps ne dédouble.


  (  () () ( ( () Ce que nous avons fait là dans La Revue des
Ressources est une version inédite de la traduction proposée par
ebooks libres et gratuits depuis 2006 et dont bien sûr nous donnons
tous les liens — livre actualisé par le dernier album de Patti Smith,
Banga, après qu’il ait inspiré dit-on Les versets sataniques de Salman
Rushdie et il y a déjà longtemps le rock’n roll song Sympathy for the
Devil — la chanson clé de l’album Beggars Banquet — des Rolling
Stones, qui se trouvaient sous l’influence de William S. Burroughs —
Le festin nu — inspiré lui-même par le récit Morphine du recueil de
Boulgakov Récits d’un jeune médecin (1917) [1] — médecin [2] lui-même,
pour commencer, et sans aucun doute morphinomane du moins entre 1916
et 1919 [3], et sans rapport à cela il aurait aussi inspiré le théâtre
de l’absurde, Samuel Beckett en particulier, et... tant d’autres
encore parmi lesquels jusqu’à Vladimir Nabokov (peut-être).

Avec Le maître et Marguerite, au-delà de son propre temps voici « la »
gigantesque fable du nôtre.



Ce livre est un ouvrage inachevé, non parce qu’il fut considéré clos
d’office plutôt que par destin suite à la mort de son auteur (la vie
n’est pas illimitée, la considèrerait-on comme un algorithme ou un
accident), alors qu’il y travaillait encore peu de temps avant. Ce qui
laisse toujours penser que dans l’ouvrage il restât quelques détails à
régler pour atteindre la perfection de l’œuvre, et néanmoins même si,
il se trouve que contradictoirement l’aléa soit le corps propre du
sujet de l’ouvrage — matière et écriture. La libre aventure du texte
organique de la vie de l’auteur à être advenu en multiple événement,
en fragments et en tout, au long de sa vie à partir de 1928, de sa
main vivante puis de celle de sa dernière épouse et exécutrice
testamentaire Anna Saakyants, qui publia en 1973 la version de 1940,
(elle avait noté sous la dictée de son compagnon voyant de moins en
moins clair les ultimes modifications), et enfin au moment de la
libéralisation de la Fédération de Russie, en 1989, la version
intégrale de tous les documents existants censurés et non censurés,
rassemblés et publiés par la femme de Lettres Lidiya Yanovskaïa, ne
résolvent rien sur l’achèvement d’une telle œuvre, bien au
contraire...

Ces événements de l’édition qui nous émerveillent et purent nous
confondre d’émotion ne sont jamais parvenus à lever l’énigme de sa
finition aléatoire, rien n’étant résolu sur l’intention ni sur le mode
d’écriture fragmentée, en longue durée d’un seul ouvrage, dont chaque
modification le fait conférer à une métamorphose, (du moins sous le
même titre et avec les mêmes personnages). Ce n’est même pas une
allégorie, par exemple du bien et du mal, ce qui supposerait un
minimum de stabilité que le roman ne présente pas, puisque les mêmes
peuvent y accomplir indifféremment le pire ou le meilleur (par rapport
aux autres). C’est le contraire d’un monde fini sinon par la fin venue
d’ailleurs, à l’inverse d’un Proust filant la durée du grand œuvre
dans la révélation d’un monde littéraire social œuvre par œuvre,
achevé par lui-même au terme du dernier ouvrage.

Ni sur le sens ni sur la forme, on ne peut décider ; il est toujours
possible de supposer qu’il pût demeurer des manuscrits disparus et en
outre de quoi, également possible d’alimenter des actes d’art tels que
Marcel Duchamp put en accomplir en trompant les institutions, à propos
de fausses archives parfaitement simulées (du moins est-ce dans
l’imaginaire magique à propos de Duchamp). Si on dit cycle et retour,
disparitions et métamorphoses, réapparitions et changement, c’est
qu’on parle des cycles reproductibles ; mais tout en même temps ces
cycles ne sont pas reproductibles dans la diversité de leur mode de
réapparition, un peu comme la société de la Russie impériale ne
re-naquit pas — ne pouvait renaître — à la fin de la dictature du
prolétariat soviétique, mais une société nouvelle. Donc un livre
forcément inachevé même s’il a pris forme plusieurs fois de suite, et
une fois pour toutes qui ne pourrait donc en être une — a fortiori en
version posthume.

C’est aussi de cela que l’ouvrage nous parle, le temps parti pour
toujours et celui qui revient toujours, jamais avec le même éclairage,
jamais comme la simple émergence d’un mode de vie immémorial — mais la
vie elle-même comme changement indécidable,— et pourtant le cycle.

Dans le cadre contextuel, Boulgakov, fut-il inspiré par le grand
chamboulement de la drogue dans le grand chambardement de l’histoire
soviétique, Staline le tolérait, peut-être aussi parce que dans les
années de la révolution léniniste une des principales préoccupations
de Boulgakov fut plutôt — que s’impliquer au premier plan des artistes
révolutionnaires (quoique), — d’être réquisitionné comme médecin
militaire au contact de la chair déchirée, en pleine guerre civile,
avec la difficulté supplémentaire de devoir quotidiennement trouver la
drogue nécessaire pour couvrir ses états de manque (son épouse de
l’époque raconta ensuite qu’en 1919 il était parvenu à deux piqûres
par jour), ce qui de fait le rendit politiquement moins compromis que
d’autres s’étant exposés, aux yeux du dictateur qui faisait
disparaître ceux et ce qui l’avaient précédé ?

Alors qu’édité au multiple ce livre demeure néanmoins le jardin secret
des initiés élargi au second cercle et même au troisième : il est
temps de rendre aux « larges masses » la connaissance de ce roman
complexe aux vertus populaires d’un classique de la littérature
internationale, à l’égal des simples contes qui parvinrent à nous
faire entendre quelque soit le pays et la classe sociale (accédant au
minimum culturel écrit ou oral), le mal ou la cruauté la violence et
l’amour abstraits de la nature et de la société.

Après qu’une adaptation théâtrale de ce texte fut présentée par le
britannique Simon McBurney avec le plus grand succès, mais encore une
fois pour une élite internationale, au Festival d’Avignon, l’été
dernier, vient enfin le moment où cette adaptation va être représentée
dans un espace plus « démocratique », à Paris (dans la région
parisienne — en banlieue — pour être plus précis), en ce début de
2013. La première représentation sera dès le jour de la Chandeleur, où
l’on retourne les crêpes [4], (à Bobigny, MC 93, les 2 et 3 février
puis du 6 au 9 février).

MC 93
1, boulevard Lénine 93000 Bobigny
Bobigny - Pablo Picasso - Ligne 5
Bobigny - Pablo Picasso - Ligne 1

Le 2 février 2013 - 20h30
Le 3 février 2013 - 15h30
Du 5 au 9 février 2013 - 20h30

Prix : de 9 € à 27 €



         La petite fenêtre en cour anglaise d’un immeuble sur rue à
Moscou, évoquée par Hélène Châtelain, traduit l’effet de rumeur sur un
auteur toujours diabolisé dont les lieux seraient toujours hantés,
selon certains moscovites.

Régulièrement des espaces dédiés à Boulgakov ou à son chef d’œuvre
sont vandalisés par les activistes d’une secte de chrétiens orthodoxes
dits intégristes, peut-être pour rassurer, qui l’assimilent lui-même à
Satan. Ce qui en dit long sur l’impuissance de l’église orthodoxe dans
le régime soviétique car elle ne put empêcher par exemple cet ouvrage
de s’écrire, et sa puissance retrouvée dans le régime actuel de
Poutine, puisque c’est à cette institution religieuse que les Pussy
Riot doivent d’être maintenues en prison après s’être livrées à une
performance critique en pleine église. Pour Mikhaïl Boulgakov, l’État
actuel assure néanmoins le minimum de son devoir en officialisant
musées et fondations d’initiatives éventuellement privées, sans les
protéger particulièrement. Cela convient au destin posthume des
poètes.

Concernant notre travail de publication nous osons parler de version
inédite d’une traduction rendue disponible par ebooks ibres et
gratuits sur Internet depuis 2006. Version singulièrement libre de
droits alors qu’elle est relativement récente — 1967 (publiée dans la
collection Bouquins chez Robert Lafont en 1968) — parce qu’imparfaite
elle fut revue par le traducteur lui-même avec Marianne Gourg, pour
une nouvelle version dans la même collection chez le même éditeur en
1993, et qui maintenant fait acte de la première version officielle en
français chez Robert Laffont.

Non seulement nous publions l’ouvrage intégral en série à raison de
cinq épisodes (un volume par jour à partir d’aujourd’hui), ce qui est
arbitraire mais dans l’objectif de permettre une lecture progressive
avant la représentation de l’adaptation théâtrale au début de février,
avec la possibilité d’une impression volume par volume (ce qui est
toujours plus aisé que l’œuvre non fractionnée) et permettra ainsi de
comparer l’adaptation théâtrale et la version d’éditeur de la
référence actuelle [5], mais de plus nous proposons une iconographie
qui accompagne cette diffusion, et surtout Hélène Châtelain nous offre
une présentation inédite qui sera suivie d’une postface, présentation
où elle évoque le sens de l’ouvrage dans son contexte historique, ce
qui n’est pas banal.

Car personne n’ose revenir sur la période stalinienne en général
concernant la créativité littéraire (la preuve qu’il en fut
autrement), et en particulier à propos d’un auteur comme Boulgakov,
notamment ami de Stanislavski, et contradictoirement actif dans la
société des écrivains et au théâtre et à l’opéra de Moscou, en plein
office du réalisme soviétique stalinien ; Boulgakov bien que censuré
paraît être demeuré relativement respecté dans sa singularité par
Staline et contrairement à plusieurs de ses amis, dont deux d’entre
eux qui ne purentt venir le saluer une dernière fois avant sa mort,
que clandestinement, à Moscou. Et tout cela constitue une sorte
d’énigme. Celle du Maître et Marguerite.

Enfin, qu’est-ce qui a pu lui permettre de supporter les commissaires
politiques et de rester respecté par ses amis opprimés, de tenir
contre vents et marées et de produire en nombre considérable, dans une
Union soviétique de la déraison et de la répression des idées et des
actes, sinon d’avoir passé sa vie domestique à poursuivre l’écriture
et la ré-écriture d’un tel roman jusqu’à sa mort ? Banga est peut-être
l’idée que le temps des cerises reviendra, quoiqu’il s’agît des
retrouvailles avec son maître Pilate et non d’une liberté
existentielle. Qui est domestiqué restera domestique — à savoir que
l’humanité domestiquée n’est pas pour autant l’humanité soumise, mais
l’humanité philosophique (le peuple philosophe).

En pleine actualité du carnavalesque, pour le retournement des valeurs
avec l’évènement de la révélation de la face cachée des choses, mais
encore le retournement de toutes les valeurs humanistes en
problématique binaire après la mise en orbite de la dialectique, voici
ce livre écrit de 1928 à 1940... Plus de dix ans, pour nous donner
patience dans la tragédie scandaleuse et sanglante de la bêtise au
pouvoir dictatorial du monde où nous vivons aujourd’hui — où,
détrompons-nous, la France est davantage pionnière que suiviste.



Il y a dans ce livre si actuel en l’action exécutive de la loyauté, de
l’ordre et du désordre, de la trahison, de la violence, de la passion,
des choses imprévisibles, qu’il s’y trouve aussi l’action exécutive
des animaux dans l’histoire [6]. Non exécutés. Sans parler des
sorcières qui rodent par millions autour des balais ménagers partout
dans le monde, à craindre : l’irrépressible opportunité des actes du
chat Béhémoth et l’indomptable patience du chien Banga.
Louise Desrenards


Mikhaïl Boulgakov, Le Maître et Marguerite, traduction en français de
Claude Ligny, 1967 - libre de droits ; 334 pages ; téléchargement
intégral et référence en ligne (2006) : ebooks libres et gratuits. La
RdR, Elisabeth Poulet (lecture, structure de la publication, résumés),
Louise Desrenards (animation éditoriale et installation), Régis Poulet
(illustration et bio-bibliographie de l’auteur) - avec une
présentation et une postface inédites de Hélène Châtelain ;
publication intégrale en série d’un épisode par jour à partir du 22
janvier 2013 : 1, 2, 3, 4, 5.
P.-S.

- Le Maître et Marguerite @ fr.wilipedia

- Présentation et préface d’Hélène Châtelain avec le premier épisode
dans La RdR : Le Maître et Marguerite (1) - Rencontre avec Satan.

Le logo est une illustration du graphiste Wolfgang Hutter, artiste
dédié de la publication du Maitre et Marguerite dans la RdR.


Tous les dessins et la couverture du livre anglophone viennent de la
recension de Kris (Kris’ Review) : Unlocking the Meaning of The Master
and Margarita, (Libérer le sens du Maître et Marguerite) ; dans la
revue en ligne goodreads.com.

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Notes

[1] Récits d’un jeune médecin, suivi de Morphine et Les aventures
singulières d’un docteur, de Mikhaïl Boulgakov, traduit par Paul
Lequesne, Le livre de Poche (nouvelle édition du 1er janvier 1996),
est accessible sur fr.amazon. Une version publiée par les éditions
Mille et Une Nuits (Fayard) en 1997 et 2010, dans une traduction et
une postface libres de droit de Michel Parfenov, numérisée avec le
concours du CNL, est théoriquement en libre accès sur gallica.

[2] Il y aurait longuement à réfléchir sur les médecins écrivains
(autant que sur les diplomates écrivains et poètes) par rapport à la
question corporatiste du professionnalisme de l’écriture et de
l’amateurisme aujourd’hui, depuis les littératures russe/soviétique et
européenne modernes, d’Anton Tchekov à André Breton et à Céline en
passant par Arthur Schnitzler, pour ne citer que les médecins, à
l’instar du Docteur Faust, et pour ne dire que quelques noms quant aux
diplomates, les français concernés de Stendhal à Saint John Perse, en
passant par Jean Giraudoux et Victor Segalen, et pour ne pas citer
Paul Claudel, entre autres.

[3] Boulgakov devait son addiction à l’obligation de se soigner avec
un anti-inflammatoire puissant contre les crises d’une allergie
contractée pendant qu’il pratiquait une trachéotomie pour sauver une
enfant.

[4] Pour mémoire, le 2 février est le jour où l’on retourne les crêpes
en les faisant sauter avec brio au-dessus de la poêle, et tenant un
louis (ou une bague ou une simple alliance ou autre mais :) en or,
dans la main experte qui tient la queue de l’instrument (honni soit
qui mal y pense).

[5] Si l’édition de Bouquins, Robert Laffont, en 1993 du livre de
Mikhaïl Boulgakov, Le Maître et Marguerite, n’est plus ré-éditée
depuis une décennie, par contre il existe une multiplicité de versions
en éditions de poche sans mention du nom des traducteurs ; une des
éditions accessibles est celle de 2003 chez Pocket, col. Classiques,
en librairie et dans le site fr.amazon. Une version Pocket signée
Claude Ligny et datée de 1994 est encore en vente d’occasion dans le
même site. En 1999 le scénariste Jean-Claude Carrière a fait une
adaptation théâtrale avec Lisa Wurmser publiée dans L’Avant-Scène.

[6] Dans son arbitraire cruauté mais son amical accompagnement le chat
Béhémoth pourrait aussi être une figuration de Staline vu par
Boulgakov. Mais il serait d’abord le double familier de l’écrivain et
surtout du poète, dans son désespoir ironique sa jouissance et sa
sauvagerie — le poète parmi le peuple étant distingué par le chat.

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