Louise Desrenards on Fri, 21 Apr 2006 17:14:19 +0200 (CEST)


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[nettime-fr] le vertige dans l'estomac : C e sa r e


ooooh... (de ViaLibre5)



A PARAITRE, LE 25 AVRIL :
CESARE BATTISTI, MA CAVALE. (GRASSET/RIVAGES, 374p. 18,50 â)

Article paru le 18 avril dans LibÃrations/ Livres :

Battisti, lignes de fuite
L'Ãcrivain italien, menacà d'extradition en France, raconte sa ÂCavaleÂ.

Par Dominique SIMONNOT
jeudi 20 avril 2006

http://www.liberation.fr/page.php?Article=376089



Cesare Battisti 
Ma cavale 
PrÃface de Bernard-Henri LÃvy. Postface de Fred Vargas.
Grasset/Rivages, 374 pp., 18,50 â.



Fermer parfois le livre et se plonger dans un atlas. Quels pays mystÃrieux
sa cavale lui a-t-elle donc fait traverser ? Quelle est cette Ãle
caractÃrisÃe par 1) un sanctuaire. 2) Un saint cÃlÃbrà par des pÃlerins. 3)
Un restaurant kurde. 4) On y mange des lentilles et de la chÃvre. 5) On y
parle arabe. Et ce vieux rafiot, oà l'a-t-il dÃbarquà aprÃs avoir naviguÃ
sur une mer dangereuse Âoà se croisent deux moussons et oà nagent des
dauphins ? Quel est ce lieu à la fois Âproche de l'axe du mal et rÃputÃ
pour Ãtre Âune des routes de la came ? Et cette ville ÂlÃgendaireÂ, qui a
subi l'occupation soviÃtique et oà l'on trouve du qat, des danseuses arabes
et des nuÃes de touristes ? Un pays, oà cet Ãtà 2004, Cesare Battisti ouvre
un journal italien et y voit son visage affichà à la une.

Il y lit son histoire. Recherchà par l'Italie, ayant fui la France oà il
vivait depuis quatorze ans, mi-concierge mi-Ãcrivain, avec femme et enfants.
De là oà il est maintenant  et Ãa a l'air trÃs trÃs loin  Battisti a
envoyà en France Ma cavale. Son treiziÃme livre, aprÃs les polars qu'on lui
connaissait, toujours un peu autobiographiques. Celui-là l'est aussi et,
cependant, forcÃment diffÃrent. ÂUnique moyen de tenir le coupÂ, nous dit
l'auteur en fuite. Ecrire et raconter. Le 17 aoÃt 2004, Ã Paris, il a les
flics franÃais sur les talons, la justice franÃaise a donnà le feu vert Ã
son extradition. Plus qu'une question de semaines, de mois peut-Ãtre. Et, au
bout, la prison à vie pour quatre meurtres, dont il se dit innocent, commis
à la fin des annÃes 70, dans l'Italie des ÂannÃes de plombÂ. Le salut, c'est
l'exil.

PremiÃre partie, Ãcrite à la premiÃre personne, la jeunesse, les squats, la
prison dÃjà et, dans une Italie bouleversÃe par les combines politiques et
financiÃres, l'entrÃe en politique. Avec une rencontre qui changera sa vie.
Pietro Mutti Ãtait l'irrÃductible, l'impitoyable chef des ProlÃtaires armÃs
pour le communisme (PAC). Il deviendra, quelques annÃes plus tard, un des
plus cÃlÃbres repentis d'Italie. BalanÃant et accablant ses ex-compagnons,
Mutti fut rÃcompensà de seulement neuf annÃes de prison. Pour les autres,
dont Battisti, ce fut perpÃtuitÃ. En son absence, par contumace.

PremiÃre cavale. La France, le Mexique et encore la France. LÃ, vivent plus
d'une centaine d'anciens des groupes armÃs italiens. Ils ont obtenu la
tranquillitÃ, promise par Mitterrand en 1985, en Ãchange de l'abandon de
toute Âlutte armÃeÂ. Ils y sont toujours, la parole a Ãtà respectÃe par neuf
gouvernements successifs, de droite et de gauche. Jusqu'en 2004, avec
l'arrestation à Paris de Cesare Battisti et les rebondissements judiciaires
qui s'ensuivirent.

Cette histoire, Bernard-Henri LÃvy la retrace aussi. Dans une prÃface
brillante et convaincante, il Ãclaire ce morceau de l'histoire italienne,
ravagÃe par les ambiguÃtÃs du postfacisme, les instrumentalisations et les
troubles complicitÃs, les rÃles Ãtranges de la classe politique et des
services secrets. Pourquoi dÃfendre Battisti ? Le terrorisme, BHL l'a en
horreur. Battisti ? Il le connaÃt à peine. ÂAu nom de l'Etat de droit et des
principesÂ, rÃpond-il. Parce que la France ne peut renier sa parole vingt
ans plus tard, en se contentant d'un ÂdÃsolÃ, on a changà d'avisÂ. Parce
qu'en Italie, des condamnations furent prononcÃes sur la foi de repentis,
ces Âcriminels dont le chÃtiment est Âinversement proportionnel à la
quantità de crimes qu'ils ont dÃnoncÃs. Parce que Battisti n'aurait pas
droit à un nouveau procÃs en Italie, alors que, durant sa premiÃre fuite,
ignorant les accusations portÃes contre lui, il n'a pu communiquer avec son
avocat. Enfin, au nom du fait qu'il Âest parfaitement possible que Battisti
soit innocentÂ... Ma cavale, en tout cas, est en bonne compagnie, se fermant
sur des pages de Fred Vargas. La Âpolardeuse y reprend l'enquÃte  elle s'y
connaÃt  qui l'a amenÃe à la conviction de l'innocence de Battisti. Comme
lui, elle attend maintenant que la Cour europÃenne se penche sur l'affaire.

Mais revenons à Âce galeuxÂ, Âcet infrÃquentableÂ, comme dit BHL. Cet ÃtÃ
2004, du jour de sa cavale, Battisti vit à cÃtà de lui-mÃme. Il est double,
comme dissociÃ. Posant son crayon, il observe Âl'autre s'enfuir.
ÂSuivons-le, on verra bien ! dÃcide-t-il, en courant derriÃre Auguste, son
autre moi, hÃros de la seconde partie. La cavale est une chose effrayante,
cela Auguste nous le fait vite comprendre. La peur partout. La peur de tout.
De se trahir avec ce geste de trop ou cette exclamation familiÃre dans une
langue maternelle qu'il faut feindre d'ignorer quand on vous salue d'un
joyeux ÂCiao, come va ?Â. Ne pas se faire remarquer, adopter, comme les
touristes, cette dÃmarche traÃnante, ÂmÃlange de flegme et d'ÃcoeurementÂ.
La peur d'Ãtre trahi qui empÃche la moindre confidence à quiconque. Jamais.
Mentir à tous. Et cette sirÃne d'ambulance qui fait descendre le coeur dans
les jambes et ces Italiens en goguette qui font frÃmir : ÂA prÃsent, il
voyait des Italiens partout, des dizaines de personnes criant son nom dans
leur portable.Â

Se saouler pour oublier ? Une fois, pas deux. Trop de terreur au rÃveil.
Qu'ai-je dit ? A qui ? Ne pas s'attacher, ne rien partager de vrai. Sauf,
parfois avec les chiens errants qui vous ressemblent. Etre seul.
DÃsespÃrÃment seul. La nuit, fixer ces plafonds d'auberges ou d'hÃtels, en
rÃpÃtant à l'infini: ÂPourquoi moi ? Se souvenir, avec dÃtresse, de ses
enfants, de ses amours, de ses amis. Et puis se tromper. Arriver dÃsemparÃ
sur un Ãlot dÃsert plein de gros lÃzards. Repartir. Accoster, affolÃ, dans
un paradis de soleil et de mer bourrà d'Italiens et d'Ethiopiens.

OÃ donc ? s'exaspÃre le lecteur en reprenant tout depuis le dÃbut, pour se
souvenir que Battisti n'est pas Ãcrivain de polars pour rien et que son
talent, c'est justement l'embrouille. Ou peut-Ãtre pas... Alors se contenter
d'Ãtre captif de ce rÃcit terrifiant. Et enfin, accoster dans le nouveau
pays d'Auguste, Âplus grand qu'un continentÂ. Lequel, bordel ?


 LibÃration <http://www.liberation.fr/index.php>
  





//////////////////////////////////////////////
ARTICLE PARU DANS LIBERATION, 21 AVRIL 2006 :

Le gouvernement avait interdit la naturalisation à l'Ãcrivain condamnà Ã
perpÃtuità en Italie et en fuite. Le tribunal administratif lui donne tort.
LÃchà par la France, Battisti jugà digne d'Ãtre franÃais

Par Dominique SIMONNOT
vendredi 21 avril 2006


 http://www.liberation.fr/page.php?Article=376436

 

C'est presque impossible à croire. L'Ãcrivain Cesare Battisti, l'Italien en
fuite depuis le 17 aoÃt 2004, dont le livre Ma Cavale sort en librairie la
semaine prochaine (LibÃration d'hier), pourrait bien devenir FranÃais. C'est
un nouveau rebondissement dans cette histoire rocambolesque. Pour
comprendre, il faut revenir à juillet 2001.

A l'Ãpoque, Cesare Battisti vit en France depuis dix ans, y est marià avec
une FranÃaise et a deux enfants. Il est connu pour ses polars, mais aussi
pour ses condamnations à la perpÃtuità pour quatre meurtres, dont il se dit
innocent, commis lors des annÃes de plomb en Italie par les ÂprolÃtaires
armÃs pour le communisme (PAC), groupe auquel il appartenait. DÃjà rÃclamÃ
par l'Italie à l'Ãpoque, il avait, en France, fait l'objet d'une procÃdure
d'extradition. RefusÃe.

Toujours est-il que, sa carte de sÃjour en poche â la derniÃre lui fut
dÃlivrÃe le 11 avril 1997 sous le gouvernement d'Alain Juppà et la
prÃsidence de Jacques Chirac â, Battisti demande sa naturalisation le 20
juillet 2001. L'enquÃte est longue et dure deux ans. A trois reprises,
l'Ãcrivain rencontre un reprÃsentant de la prÃfecture de police qui examine
son dossier. Le 4 juillet 2003, il reÃoit une lettre du ministÃre des
Affaires sociales : une suite favorable est donnÃe à sa demande.

Promesses. Or, six mois plus tard, le 10 fÃvrier 2004, Battisti est arrÃtÃ
chez lui, à Paris, dans l'immeuble oà il est concierge. La France a changÃ
d'avis. Dominique Perben, alors garde des Sceaux, l'a bien expliquà l'ÃtÃ
2003. AprÃs des rencontres avec son homologue italien du gouvernement
Berlusconi, il fera extrader Âquelques anciens activistes qui vivent en
France. Depuis plus de vingt ans pour certains, qui se croient à l'abri,
aprÃs que Mitterrand leur a promis, en 1985, l'asile en Ãchange d'un abandon
dÃfinitif de toute lutte armÃe. Une parole respectÃe de part et d'autre, en
tout cas par neuf gouvernements successifs. De gauche comme de droite.
Interrogà sur ce ÂrevirementÂ, Perben avait prÃcisà qu'il visait Âles cas
les plus gravesÂ. Battisti est de ceux-lÃ. Et tandis que l'auteur de romans
policiers est transfÃrà depuis le Palais de justice de Paris à la prison de
la SantÃ, une lettre du ministÃre des Affaires ÃtrangÃres arrive chez lui le
lendemain pour lui annoncer que son dossier Âsera transmis le 18 fÃvrier
2004 Ã la sous-direction des naturalisations du ministÃre des Affaires
socialesÂ, pour parution de son dÃcret de naturalisation dans les jours Ã
venir. La situation Ãtait cocasse. Trop, sans doute, puisque le 8 juillet
2004, le dÃcret de naturalisation est ÂretirÃÂ par le gouvernement, peu
soucieux de donner la nationalità franÃaise à un homme qu'il Ãtait en passe
d'extrader vers l'Italie.

Tout faux, vient de dÃcider le tribunal administratif de Nantes qui avait
Ãtà saisi par Me IrÃne Terrel et Me Jean-Jacques de Felice. L'audience s'est
tenue à Nantes (oà siÃge le service des naturalisations) le 17 mars. Le 14
avril, les juges ont estimà ce trÃs politique retrait de nationalità mal
fondà et Ânon motivÃÂ. ÂLe tribunal administratif a bien vu que le ministÃre
des Affaires sociales [dont dÃpendent les naturalisations, ndlr] avait donnÃ
un avis favorable à la nationalitÃ, aprÃs une enquÃte minutieuse, et malgrÃ
les condamnations frappant Battisti qui Ãtaient bien connues de tousÂ,
explique Me IrÃne Terrel. Pour les juges, ni l'arrestation ni la fuite ne
changent quoi que ce soit à l'affaire. ÂSi Cesare Battisti a obtenu la
nationalitÃ, c'est justement grÃce à sa vie enracinÃe en France avec sa
femme, ses filles et son travailÂ, reprend Me IrÃne Terrel.

ComplexitÃ. DÃsormais, tout repart de zÃro. Ou plutÃt du 11 fÃvrier 2004,
quand Battisti a Ãtà cÃrÃmonieusement averti : Ânous avons le plaisir de
vous faire savoir... â qu'il allait Ãtre franÃais. Cela ne change pas
grand-chose à son sort judiciaire : le mandat d'arrÃt international court
toujours. Mais cela ajoute une touche de plus à un dossier qui, dÃcidÃment,
fait tourner tout le monde en bourrique. Y compris la justice.

Ainsi, la chambre de l'instruction de Paris, la Cour de cassation et le
Conseil d'Etat avaient jugà la procÃdure de contumace à l'italienne conforme
à toutes les rÃgles de droit. MÃme si Battisti, condamnà en son absence,
n'avait pas droit à un nouveau procÃs en cas d'extradition. Pourtant, en
novembre 2004, la Cour europÃenne des droits de l'homme donnait tort aux
plus hautes instances judiciaires franÃaises. Estimant au contraire qu'il
est inadmissible que les condamnÃs par contumace ne puissent Ãtre rejugÃs.

A Nantes, c'est au gouvernement franÃais que le tribunal administratif a
donnà tort. ÂOn ne peut faire avaler n'importe quelle couleuvre aux
magistrats, commente encore IrÃne Terrel. En fait, le tribunal administratif
de Nantes stigmatise clairement le comportement de girouette du gouvernement
franÃais : on ne peut dire "vous Ãtes FranÃais", et puis "non, on a changÃ
d'avis". C'est une attitude d'une immoralità honteuse ! DÃsormais, en cas
d'appel du gouvernement, la procÃdure risque d'Ãtre longue. Dans le cas
contraire, le dÃcret dÃclarant Battisti citoyen franÃais sera bientÃt publiÃ
au Journal officiel.


 

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