nicolas maleve on Sun, 14 Mar 2004 19:07:28 +0100 (CET)


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[nettime-fr] Sauvons la recherche... d'elle-même !


---------------------------- Original Message ----------------------------
From:    Sébastien Denys <sdenys@ulb.ac.be>
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"Sauvons la recherche... d'elle-même !"
Hommage à la mise au frigo d'une recherche cataclysmique


En France, ce 9 mars, des centaines de directeurs de labo se sont réunis
en assemblée pour décider s'ils mettent en oeuvre leur intention de
démissionner de leurs responsabilités administratives face à des
propositions gouvernementales (3 milliards d'euros d'investissements et
120 postes statutaires) jugées insuffisantes.

Ce 9 mars également a lieu à Charleroi la remise du diplôme de docteur
Honoris Causa à Philippe Busquin, commissaire européen chargé de la
recherche. Cette cérémonie est organisée conjointement par l'Université
Libre de Bruxelles (ULB), l’Université de Mons-Hainaut et la Faculté
polytechnique de Mons.

Sans doute certains observateurs y trouveront-ils matière à sarcasmes et à
pinailleries, en soulignant que le premier des deux événements non
seulement tend à éclipser le second mais encore qu'il soulève des doutes
sur le bon accomplissement des missions pour lesquelles M. Busquin est
aujourd'hui distingué.

Nous préférons pour notre part voir dans la conjonction de ces faits un
signal encourageant. Ce 9 mars est en effet à marquer d'une pierre blanche
dans l'histoire récente des activités techno-scientifiques : pour la
première fois depuis longtemps, celles et ceux par qui "la recherche" est
produite reconnaissent leur rôle clé dans l'orientation et la fabrication
de processus qu'on nous prétend d'habitude "trop complexes, trop en
réseaux" pour être influencés par la volonté de quelque groupe humain que
ce soit. Celles et ceux qui brandissent
l'hypothèse de leur démission collective manifestent que l'objection de
conscience est possible dans les labos, spécialement dans les unités où se
pratiquent les sciences dites "dures" et que, de fait, on
arrête bien le "progrès". Qu'ils peuvent suspendre la fuite en avant de la
Recherche. Que ni l'usage d'ADN recombiné (transgenèse) ni le clonage ni
l'irradiation des aliments ni le recours aux plastiques ni les
nanotechnologies et nombre d'autres résultats délétères issus de l'effort
de recherche public ne sont des fatalités, des phénomènes hors de portée
du choix éthico-politique.

En cela, la démarche française des directeurs de labo signataires de
l'appel "Sauvons la recherche" est exemplaire. Puissent-ils ne pas fléchir
et, comme annoncé, en interrompant toute relation avec les tutelles
administratives, les ministères ou les directions d'organismes de
recherche, aboutir à une issue heureuse : la fermeture des labos ou au
moins la paralysie de structures devenues ingérables.

La demande sociale des populations des Etats membres serait d'autant mieux
rencontrée - les sondages Eurostat à propos des OGM ou du clonage le
montrent depuis des années - si, au lieu de parrainer des "dialogues" et
autres forums visant à démontrer aux Européens combien ils ont besoin des
biotechnologies, M. Busquin s'inspirait de la fermeté des
fonctionnaires de la Recherche hexagonale pour démissionner lui aussi de
ses seules responsabilités administratives et inciter les salariés de sa
DG à l'imiter.

Les liaisons de communication et de financement qui innervent l'Espace
Européen de la Recherche se tarissant alors peu à peu, les Joint
Research Centre et les réseaux d'excellence de l'Union ne prendront plus
part à l'accouchement des "innovations de demain", qu'il s'agisse de
téléphonie à micro-ondes (cancérigènes) de énième génération, de fusion
nucléaire ou de biodiversité muséifiée en éprouvettes.

Le répit ainsi obtenu ouvrira des espaces au questionnement sur les effets
directs et indirects du "secteur" de la Recherche, permettra la naissance
d'interrogations sur ce en quoi ces effets sont préférables aux manières
d'habiter le monde et aux savoir-faire millénaires qu'ils balaient partout
sur la planète, aux espèces vivantes qu'ils y
éradiquent. Peut-être certains en viendront-ils à désacraliser le
bien-fondé de cette "Croissance économique" que dope la Recherche.

Qui sait si l'on n'ira pas jusqu'à se souvenir des scientifiques cloués au
pilori de "leur" communauté, de Mme Rachel Carson (auteur du
"Printemps silencieux"), du professeur Narbonne (prié de s'occuper de la
qualité des produits alimentaires plutôt que de toxicologie -
laboratoire fermé, équipe dispersée), de M. Cicollella (soupçonnait le
caractère cancérigène des éthers de glycol - laboratoire fermé, équipe
dispersée), du professeur Puzstai (a fait état de résultats
préliminaires montrant que des pommes de terre transgéniques provoquent
des désordres physiologiques chez les rats - laboratoire fermé, équipe
dispersée) ?

De la sorte au moins l'ULB échapperait-elle à l'honneur de distinguer le
commissaire européen maître d'oeuvre d'un 6me Programme-Cadre de
Recherche et Développement dans lequel les investissements accordés aux
biotechnologies sont passés en 2002 de 250 millions d'euros à 2
milliards 250 millions d'euros, et qui s'enorgueillit d'introduire des
projets de génie génétique tous azimuts, dans des domaines comme la sûreté
alimentaire ou le développement durable.

Oui, M. Busquin, décidément, en ce 9 mars, les chercheurs français et
vous-même avez rendez-vous avec l'Histoire.

"Dans l'état actuel des connaissances, le temps perdu par la recherche est
du temps gagné pour la conscience"


                      Des chercheurs de l'ULB, des étudiants et des quidams


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Notons que René Riesel entame aussi, ce 9 mars, sa quatorzième semaine
d'incarcération à la prison de Mende (Lozère), pour avoir contribué à
promouvoir le débat sur la nature de la Recherche "publique" et l'avoir
prolongé par des actes destinés à nous sauver de la Recherche. Voir ses
"Aveux complets des véritables mobiles du crime commis au CIRAD"
(http://netmc.9online.fr/VersusOGM/Riesel_06.html)

Un autre texte hautement conseillé pour savoir quelle Recherche certains
se proposent de sauver : "La recherche vue de l'intérieur", par Carlos
Ojeda, chercheur à l'Inserm, in L'Ecologiste, vol.2, n°3, automne 2001.




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