| copy.cult on Thu, 3 Jul 2003 16:22:14 +0200 (CEST) |
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| [nettime-fr] Brevetabilité logicielle: compilation d'infos |
un article de libération sur les positions de Michel Rocard concernant la brevetabilité du logiciel et un email qui a circulé sur différentes listes activistes anti-brevets logiciels.
Tout ceci contient une information bien sûr orientée, mais qui permet assez bien de faire un bilan sur les avancées du débat au Parlement européen.
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http://www.liberation.fr/page.php?Article=121303
Michel Rocard s'oppose à la brevetabilité des logiciels:
«Tout le monde se copie et c'est bien ainsi»
Par Florent LATRIVE et Laurent MAURIAC
lundi 30 juin 2003
«Il faut préserver une civilisation où la part du non-marchand et des
savoirs humains est respectée.»
On ne trouve pas d'ordinateur sur le bureau parisien de Michel
Rocard. Il l'admet volontiers : il n'est pas «de la génération qui a
une pratique facile de l'ordinateur». Président de la Commission de la
culture au Parlement européen, il a pourtant dû se plonger, avec un
«mal fou», dans la brevetabilité des logiciels, «des mots qui étaient
pour moi inconnus il y a encore un an». Aujourd'hui, s'il en parle
avec autant d'animation, c'est que derrière les aspects techniques se
cache un vrai sujet de civilisation. Pour l'ex-Premier ministre,
l'introduction de brevets sur les logiciels en Europe serait «très
grave». Elle remettrait en cause la libre circulation du savoir
humain. Jusqu'à présent, les logiciels sont officiellement exclus du
champ de la brevetabilité en Europe, tout comme les équations
mathématiques ou les recettes de cuisine. Depuis plusieurs mois, un
projet de directive très polémique est soumis aux institutions de
l'Union européenne et vise à modifier ce régime. Il sera soumis au
vote du Parlement européen début septembre.
Pourquoi estimez-vous que l'Europe ne doit pas autoriser les brevets
sur les logiciels ?
Depuis la grotte de Lascaux, il n'est pas sûr que l'humanité ait
progressé dans ses capacités esthétiques. Quant à ses capacités
éthiques et morales, on s'entre-tue toujours autant. En revanche, dans
le domaine du savoir technique et de la maîtrise de la nature, les
progrès sont foudroyants. La croissance vertigineuse du savoir est la
clé de cette histoire. Le savoir s'est répandu par la copie, tout le
monde a recopié tout le monde, et c'est bien comme ça. Avec la
brevetabilité du logiciel, on change le statut du savoir humain. Tout
le commerce intellectuel des produits de l'esprit humain, les moyens
de connecter les savoirs passeront de plus en plus par des
logiciels. Si on introduit une brevetabilité, c'est-à-dire un coût,
une interdiction, on met en place une règle inédite. C'est
inquiétant.
Il ne paraît pourtant pas anormal de rémunérer les créateurs et les
inventeurs...
Il faut distinguer deux choses : les oeuvres, protégées par le droit
d'auteur, et les inventions, protégées par le brevet. Au XIXe siècle,
on s'est d'abord intéressé aux premières. On a considéré comme normal
de rémunérer les créateurs et de garantir la préservation de
l'intégrité de leurs oeuvres. On a ainsi créé le droit d'auteur. Plus
tard, on a mis en place le brevet d'invention, soit l'interdiction à
quiconque d'utiliser une invention sans payer une redevance. Pendant
le XXe siècle, nous n'avions pas de problèmes pour différencier les
deux. Contrairement aux oeuvres protégées par le droit d'auteur,
l'invention se définit par la mise en jeu de la matière ou des forces
de la nature. La conviction que le savoir humain doit circuler
impliquait qu'il n'y ait pas de brevets sur les produits de ce
savoir. Une équation mathématique ne se brevète pas. En 1972, la
convention européenne sur les brevets comportait une phrase simple et
de bon goût : «Les logiciels ne sont pas brevetables.»
Que préconisez-vous pour les logiciels ?
Je ne suis pas contre toute brevetabilité des logiciels mais il y a
une frontière à respecter. Les partisans du logiciel libre, auxquels
je me suis rallié après mûres lectures et réflexion, considèrent qu'on
a affaire à une invention (que l'on peut donc breveter) si quelque
chose utilise les forces de la nature ou agit sur de la matière. Le
système de freinage ABS sur les voitures est, par exemple, piloté par
un logiciel, mais il est fondé sur l'usage des forces de la nature et
il agit sur la matière. En revanche, tout logiciel qui décrit ou
facilite la circulation des produits de l'esprit (un traitement de
texte, par exemple, ndlr) ne doit pas être brevetable. Or, l'Office
européen des brevets a débordé la conception initiale et a octroyé une
trentaine de milliers de brevets concernant les logiciels, ce qui pose
problème. Il y a une urgence à sortir de l'incertitude juridique
actuelle. De leur côté, les Etats-Unis ont développé un champ
considérable de brevetabilité des logiciels. Il concerne, par exemple,
des méthodes pédagogiques ou des méthodes chirurgicales (s'appuyant
sur des logiciels et des ordinateurs, ndlr). Ce sont des recettes du
savoir humain, pas autre chose, et il n'y a aucune raison de les
breveter.
Quelles seraient les conséquences d'une directive européenne ouvrant
la voie à de nombreux brevets logiciels ?
Il existe une différence entre l'invention logicielle et tout autre
corps d'invention. Dans ce secteur, la conception est par essence
séquentielle, on se sert de trente logiciels pour en inventer un
trente et unième. La brevetabilité des logiciels risque de faire peser
une menace financière et juridique terrifiante sur les créateurs de
logiciels. Elle ralentirait le buissonnement du savoir humain et de
l'activité économique. On ne pourra plus créer un logiciel dans son
coin sans être menacé de payer des redevances exorbitantes. Des
milliers de PME, souvent des regroupements de copains, partent sur des
idées de ce genre.
Vous êtes dans le même groupe politique au Parlement que la
rapporteuse de la directive, Arlene Mc Carty, du parti travailliste
anglais. Et vous n'êtes pas d'accord...
Nous ne donnons pas la priorité aux mêmes dangers. Risquer de rendre
le savoir humain brevetable a quelque chose de terrible. Il faut
préserver une civilisation où la part du non-marchand et des savoirs
humains est respectée. C'est une conviction que j'ai comme
social-démocrate.
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---------- Forwarded message ----------
Date: Mon, 30 Jun 2003 18:32:50 +0200
From: Laurence Vandewalle <lvandewalle@europarl.eu.int>
To: Laurence Vandewalle <LVandewalle@europarl.eu.int>
Subject: Brevetabilité logicielle : le Parlement européen votera finalement
en septembre
Brevetabilité logicielle : le Parlement européen votera finalement en septembre
Les opposants à la directive se félicitent de ce sursis surprise
La semaine dernière, on apprenait que le vote du Parlement européen
sur le projet de directive visant à établir une brevetabilité du
logiciel en Europe avait été avancé au 30 juin. Cette annonce avait
déclenché une vague de panique parmi les opposants à ce texte, qui
craignaient un "passage en force" sur un dossier complexe et
polémique. Après une semaine de chassés-croisés entre les deux camps,
l'examen de la directive en séance plénière est finalement repoussé au
1er septembre. La lutte continue.
Le 20 juin dernier, on apprenait que le vote de la directive par le
Parlement, initialement prévu en septembre, avait été déplacé au lundi
30 juin sur proposition d'Arlene McCarthy, le rapporteur de la
Commission juridique du Parlement européen. Cette eurodéputé anglaise,
grande partisane de la brevetabilité appliquée au logiciel, voyait une
opportunité dans le fait de faire voter le texte très rapidement,
seulement 12 jours après qu'elle ait rendu son rapport de
recommandation, très favorable à la directive (lire notre article
précédent).
Changement de climat
Les opposants au principe de brevetabilité, regroupant acteurs et PME
du secteur, défenseurs du logiciel libre et personnalités politiques,
pris de cours, avaient alors entamé une course de vitesse pour faire
déplacer le vote ou au moins tenter d'alerter les parlementaires sur
les méfaits qu'entraînerait la directive : frein à l'innovation et
création d'une situation oligopolistique favorisant les grandes
sociétés par rapport aux PME dépourvues de moyens financiers et
juridiques.
"A partir de mercredi 25 juin, on a commencé à sentir un changement de
climat, explique dans un communiqué Hartmut Pilch, président de la
Foundation for a free information infrastructure (FFII), une
association d'acteurs du secteur logiciel basée en Allemagne qui
combat la directive. De plus en plus de députés ont commencé à dire
qu'ils souhaitaient rédiger et déposer des amendements. Les rumeurs
disaient que le calendrier ne pourrait être tenu." Celui-ci a
finalement été modifié officiellement le 26 juin en fin d'après-midi,
après que les secrétaires généraux des différents partis puis la
conférence des présidents de groupes se soient réunis.
"Nous avons maintenant trois semaines de session parlementaire
supplémentaires pour alerter les gens de l'enjeu", se félicite Hartmut
Pilch, qui était auparavant pessimiste sur la possibilité de
convaincre les parlementaires à temps, de sorte d'infléchir le vote.
Seconde chance
Au niveau européen, les parlementaires de différents pays ne sont pas
également mobilisés sur ce dossier. Les Français sont très actifs, via
les Verts et les socialistes dont Michel Rocard, président de la
Commission Culture du Parlement européen. Les socialistes allemands
semblent eux plus divisés, certains ayant appuyé le déplacement du
vote au 30 juin. Selon les opposants à la directive, les Anglais
pourraient quant à eux être plus présents. L'eurodéputé anglaise
Arlene McCarthy, issue du parti travailliste de Tony Blair, a en effet
été félicitée par les conservateurs, ce qui pourrait donner un levier
médiatique intéressant en période pré-électorale.
Hartmut Pilch, dont la fondation a participé à la pétition Eurolinux,
créditée de 150 000 signatures au niveau européen, voit dans
l'obtention de ce délai inattendu un succès et une chance : "Avec les
fortes pressions qui s'exercent sur les institutions européennes, on
pourrait penser que seuls les lobbies des entreprises à gros moyens
seraient entendues, mais notre expérience montre que les efforts de
terrain, l'opinion publique et un peu de coordination peuvent tout de
même faire avancer les intérêts de la majorité, au moins dans des cas
aussi évidents..."
Dans le camp des adversaires à la directive, l'heure n'est pourtant
pas au triomphalisme, loin s'en faut. Ayant évité la "catastrophe", il
appelle maintenant les citoyens et les acteurs du secteur du logiciel
européen à alerter leurs parlementaires respectifs. Ceux-ci devront
encore se plonger dans un texte extrêmement technique pour rédiger et
faire adopter des amendements limitant effectivement le domaine de la
brevetabilité, ce que les commissions Culture et Industrie du
Parlement, consultées par la Commission juridique, n'ont pas réussi.
Alexandre Piquard
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